30 % de taxe à l’export sur l’aluminium recyclé en Europe ? Quand les tarifs Trump redessinent les flux vers l’Asie

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Georges WANG

9/15/20253 分钟阅读

30 % de taxe à l’export sur l’aluminium recyclé en Europe ? Quand les tarifs Trump redessinent les flux vers l’Asie

Depuis plusieurs mois, une transformation profonde s’opère dans le marché mondial de l’aluminium recyclé. Les acheteurs asiatiques se tournent de plus en plus vers l’Europe, non pas par simple préférence, mais poussés par une combinaison de régulations, de prix et de contraintes géopolitiques. Parmi les éléments déclencheurs, citons les tarifs imposés par l’administration Trump : 50 % sur l’aluminium primaire importé, contre seulement 15 % sur l’aluminium recyclé. Cette différence de traitement favorise les États-Unis pour certains matériaux, mais affaiblit leur compétitivité pour d’autres flux — ce qui pousse l’Asie à rechercher ses ressources ailleurs, notamment en Europe.

Ce phénomène s’inscrit dans une logique qui dépasse le commerce pur : il touche à la stratégie de décarbonisation, à la souveraineté industrielle et à la résilience des chaînes d’approvisionnement. Recycler l’aluminium, c’est économiser jusqu’à 95 % de l’énergie comparé à la production à partir de bauxite. En 2024, les exportations d’aluminium recyclé de l’UE ont atteint 1,26 million de tonnes, un record. Cela représente une hausse d’environ 50 % par rapport à il y a cinq ans.

Face à cette dynamique, les entreprises européennes ont investi massivement. Près de 700 millions d’euros ont été mobilisés pour augmenter la capacité des fours de recyclage afin d’atteindre 12 millions de tonnes. Ceci témoigne non seulement de leur volonté de répondre à la demande croissante, mais aussi de garantir une source de matière recyclée suffisante pour les usines locales, dans un contexte où l’accès au métal primaire devient plus problématique.

Cependant, cette mutation comporte aussi des défis sérieux. Comme l’a souligné Paul Voss, directeur général de European Aluminium, les producteurs européens se trouvent dans une situation délicate : ils doivent lutter non seulement avec des prix de revient élevés, mais aussi avec des concurrents asiatiques bénéficiant de subventions, de coûts de main-d’œuvre plus faibles, et dans certains cas de normes environnementales moins strictes. Ces avantages permettent à des acheteurs en Asie d’offrir des prix compétitifs pour l’aluminium recyclé, ce qui attire le métal recyclé vers l’exportation plutôt que de le laisser alimenter les industries européennes.

Une réponse se fait jour dans les sphères politiques : l’UE envisage d’imposer une taxe à l’export d’aluminium recyclé d’environ 30 %. Cette mesure, demandée par European Aluminium et soutenue par Eurofer, vise à limiter l’export massif de scrap afin de préserver l’approvisionnement local. Mais elle est controversée. Pour le lobby du recyclage (EuRIC), le problème ne se limite pas aux exportations : il réside dans une demande intérieure insuffisante et une capacité de traitement inadéquate, en particulier pour les alliages d’aluminium recyclés (comme celles provenant de véhicules hors d’usage).

L’enjeu ne se résume pas à la taxation. La Commission européenne a déjà activé une surveillance des importations et exportations d’aluminium recyclés métalliques — acier, aluminium, cuivre — pour mieux comprendre les flux et évaluer les possibles ruptures d’approvisionnement. De plus, le plan d’action “Steel and Metal Action Plan (SMAP)” adopté en mars 2025 renforce le cadre politique autour de la circularité des métaux, ce qui fait de la disponibilité de scrap recyclé une question centrale pour les objectifs climatiques de l’UE.

Si l’Union européenne finit par instaurer une taxe à l’export autour de 30 %, cela pourrait ralentir les sorties massives d’aluminium recyclé, offrir un peu de souffle aux recycleurs locaux, et peut-être stabiliser les prix. Mais ce type de mesure ne va pas sans coût — pour les exportateurs notamment, et pour tous ceux qui tirent profit des marchés internationaux.

Si, au contraire, l’UE décide de ne pas agir ou tarde à le faire, le risque est réel : continuer à exporter massivement pourrait creuser les inégalités dans l’industrie. Certains recycleurs très bien équipés en bénéficieront, d’autres resteront à l’écart faute de capacité ou de débouchés. Et à terme, cela pourrait remettre en question la capacité de l’Europe à atteindre ses objectifs de décarbonisation et d’autonomie industrielle — car recycler l’aluminium économise énormément d’énergie, mais cela exige aussi des infrastructures robustes et un accès fiable aux matières premières recyclées.

Sources : Reuters ; Taxation and Customs Union

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